La répartition équitable des bénéfices d’une société constitue un élément essentiel de la vie sociale. Cela permet de rémunérer équitablement le travail de chacun et préserver ainsi la bonne entente entre associés.
A la différence d’une société commerciale, la société civile professionnelle (SCP) n’a pas vocation à accueillir des apporteurs en capitaux qui n’y exerceraient aucune activité.
Chaque associé se doit de participer effectivement à l’activité commune. Cependant, la loi ne prévoit pas le degré d’investissement professionnel de chacun.
Ainsi, il convient d’éviter que l’un des associés travaillant moins que les autres ne puisse prétendre à une part équivalente sur le bénéfice distribuable. Il est dès lors indispensable de prévoir une clé de rémunération qui tiendra compte, notamment ou exclusivement, du travail effectivement réalisé. Cela permettra de préserver la société de tensions internes sur ce point.
SOMMAIRE
I. LA RÉPARTITION DES BENEFICES EN L’ABSENCE DE CLÉ DE RÉPARTITION PRÉVUE DANS LES STATUTS
II. LA STIPULATION D’UNE CLÉ DE RÉPARTITION DANS LES STATUTS
III. LA FIXATION D’UNE CLÉ DE RÉPARTITION EN DEHORS DES STATUTS
LA RÉPARTITION DES BENEFICES EN L’ABSENCE DE CLÉ DE RÉPARTITION PRÉVUE DANS LES STATUTS
A défaut de clé de répartition statutaire, celle-ci est fixée par l’article 14 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles.
L’alinéa 3 dudit article prévoit qu’en « l’absence de disposition réglementaire ou de la clause statutaire, chaque associé a droit à la même part dans les bénéfices ».
Ainsi, à défaut de prévisions statutaires, et sauf disposition réglementaire particulière propre à une profession, les associés (en capital et en industrie) ont en principe vocation à percevoir la même quote-part du bénéfice distribuable.
Il faut dès lors prévoit à l’avance une clé de rémunération des associés en adéquation avec le travail réalisé.
LA STIPULATION D’UNE CLÉ DE RÉPARTITION DANS LES STATUTS
L’on peut imaginer en pratique différentes clés de répartition.
La répartition calquée sur la détention du capital.
Cela supposerait dans les faits, pour être équitable, que chacun des associés travaille de manière égale. Ce schéma aura généralement pour inconvénient de créer des tensions entre associés si leur travail, expérience ou qualification, par exemple, sont inégaux.
Certaines professions réglementées viennent cependant fixer une quote-part maximale du bénéfice distribuable allouée à la rémunération des apports en capital.
La répartition du bénéfice est tout d’abord encadrée pour les professionnels de santé (Article R4113-48 du CSP pour les médecins et chirurgiens-dentistes et article R4381-51 du CSP pour les infirmiers, kinésithérapeutes). Les concernant, il est prévu que la part maximale des bénéfices servant à rémunérer le capital ne peut excéder le taux des avances sur titre de la Banque de France, diminué ou augmenté de deux points en fonction du type d’apport.
Pour la part des bénéfices excédant ce taux, il doit être réparti en fonction de critères professionnels, autrement dit, le plus souvent, en fonction du travail de chacun des associés.
Cette liberté est également encadrée pour les administrateurs et mandataires judiciaires (deux tiers au maximum pour rémunérer le capital C. com., art. R. 814-123, al. 2), et les experts agricoles, fonciers et forestiers (Art. R173-19 Code rural).
Pour les autres professions réglementées, les décrets ne prévoient en l’état actuel aucune part maximale allouée à la rémunération du capital. La clé de répartition est donc libre, là encore, sous la réserve habituelle de la prohibition des pactes léonins.
La répartition fondée sur des critères professionnels
Dans cette hypothèse les bénéfices seraient répartis en fonction par exemple du temps de travail, ancienneté ou notoriété… Ce mode de répartition aurait cependant pour inconvénient de ne pas tenir compte d’apports inégaux (d’une clientèle, de matériel). Il fonctionne idéalement pour des sociétés à faible capital ou alors dans lesquelles il n’y a plus aucun associé fondateur.
On peut admettre que la totalité du bénéfice puisse être répartie en fonction de critères professionnels fixés par les statuts.
Il faut cependant veiller à ce qu’en pratique, cela ne conduise pas à priver un associé de la totalité de sa vocation aux bénéfices, dans quel cas cela constituerait un pacte léonin interdit.
La répartition hybride capital/critère professionnels
La répartition tiendrait compte à la fois du travail et du capital. Par exemple, les associés alloueraient 30 % des bénéfices à la rémunération du capital et le reste en fonction du temps de travail.
La limitation des droits en cas d’incapacité d’exercice
Il est également possible – et conseillé – de prévoir une clé de répartition des bénéfices en cas d’incapacité totale ou partielle, physique ou matérielle, d’un associé d’exercer sa profession pour des raisons de santé.
En cas d’incapacité liée à une sanction pénale ou disciplinaire, et même s’il n’est rien prévu statutairement, des textes spéciaux viennent généralement régler cette question en distinguant l’hypothèse d’une sanction provisoire ou définitive.
S’agissant des médecins et chirurgiens-dentistes par exemple, l’article R4113-79 du Code de la Santé Publique prévoit que l’associé empêché temporairement d’exercer en raison d’une sanction, et qui ne serait pas exclu, voit ses droits aux bénéfices réduits au prorata de la durée d’empêchement.
Pour d’autres professions, l’associé sanctionné provisoirement voit sa participation aux bénéfices réduite de moitié, l’autre moitié étant attribuée par parts égales aux autres associés ou à ceux non associés qui assurent son remplacement.
En revanche en cas de suspension définitive, les décrets particuliers prévoient de manière générale une exclusion totale du droit au bénéfice, l’associé conservant en revanche ses autres droits politiques.
LA FIXATION D’UNE CLÉ DE RÉPARTITION EN DEHORS DES STATUTS
Si les statuts ne prévoient rien, la question est alors de savoir si les associés peuvent convenir en pratique d’une clé de répartition différente de la détention du capital social.
La réponse est affirmative : en l’absence de prévisions statutaires, les associés peuvent s’entendre pour répartir les bénéfices autrement qu’en fonction de leurs parts dans le capital.
Cependant, la Cour de cassation est venue apporter une précision intéressante aux termes d’un arrêt en date du 21 mars 2000 (Cass. Com 1ière civ. 21-03-2000 n° 98-14933) sur la forme que devait prendre cet accord des associés.
Ainsi, elle considère que cet accord, qui est une dérogation aux dispositions statutaires, ne pouvait intervenir autrement que par la décision des associés prise en application des articles 1853 et 1854 du Code civil, c’est-à-dire soit :
- Par une décision prise en assemblée générale. L’on doit à cet égard préciser que s’agissant de la modification d’une clé de répartition statutaire, la décision doit être prise à la majorité requise pour modifier les statuts.
- Par consultation écrite
- Par le consentement unanime des associés exprimé dans un acte
Ainsi, seule la décision prise selon les modalités ci-avant précisées permet de déroger à la répartition prévue par les statuts, laquelle ne peut se déduire d’une pratique habituelle différente ou de l’absence d’opposition.
Dans un arrêt plus récent en date du 2 mars 2004 (Cass. Com. 1ère civ. 2-03-2004 n° 01-14.243), la Cour de cassation, sans démentir la position adoptée dans son arrêt du 21 mars 2000 précité, valide une répartition inégalitaire suivie en pratique tout le long de la vie de sociale dès lors qu’elle a été validée par deux actes distincts (en l’espèce de dissolution et liquidation) pris par les associés, ratifiant ainsi une pratique contraire aux statuts.
Ces actes ne représentaient pas moins en pratique que le consentement des associés exprimé dans un acte prévu à l’article 1854 du Code civil.
NOS CONSEILS
Il est conseillé de prévoir dans les statuts la clé de répartition qui devra être utilisée en cours de vie sociale. Si l’accord des associés exprimé dans un acte peut en effet permettre de pallier l’absence de prévisions statutaires, la survenance d’une mésentente et d’un désaccord peut rendre difficile voire impossible, le moment venu, l’adoption d’une décision dérogatoire.
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