Les sociétés innovantes avec un fort et rapide potentiel de croissance de type « start-up », ont des besoins immédiats en trésorerie. Cela leur permet de pouvoir financer leurs premières dépenses et investissements, et ainsi développer rapidement leur activité.
Ces sociétés, dont la valeur de départ repose sur une idée innovante et sur la personnalité de son (ou ses) porteur(s), doivent, avant d’atteindre le seuil de rentabilité, engager des dépenses importantes en R&D.
Ainsi, lorsque le financement bancaire s’avère impossible ou insuffisant, le premier réflexe consiste à se tourner vers des investisseurs extérieurs ; l’on parle alors de levée de fonds.
Cependant, si ce moyen de financement est très prisé par les start-uppeurs dans la mesure où il limite les risques pour le(s) fondateur(s), peu nombreux sont ceux qui, finalement, parviendront à convaincre des investisseurs (business angels, fonds d’investissement…) de leur faire confiance et d’investir leur argent dans ce projet.
Surtout, la levée de fonds n’est pas sans risques sur les porteurs du projet.
SOMMAIRE
I. LE PRINCIPE DE LA LEVEE DE FONDS
II. LES RISQUES DE LA LEVEE DE FONDS
III. CINQ CONSEILS POUR RÉUSSIR SA LEVEE DE FONDS
LE PRINCIPE DE LA LEVÉE DE FONDS
La levée de fonds consiste à faire rentrer de nouveaux associés au capital de la société, en contrepartie de « cash », qui servira à financer de futures dépenses. La société va ainsi procéder à une augmentation du capital en émettant de nouvelles actions vendues à des investisseurs.
Du point de vue de la société, il ne s’agit pas d’un prêt. En effet, la société ne s’endette pas et n’a pas besoin de rembourser à terme les fonds ni des intérêts.
Vis-à-vis des associés fondateurs, la levée de fonds permet d’éviter ou limiter le recours à l’emprunt bancaire. Dans ce derniers cas, les associés auraient dû garantir personnellement la banque en cas de défaillance, en se portant caution.
Une levée de fonds peut être réalisées avec différents types d’investisseurs : business angels, fonds d’investissement, amis ou famille (love money), crowfunding …
Quel que soit leur profil, ces investisseurs deviendront de véritables associés en participant aux assemblées générales et le cas échéant, en fonction de leur part au capital, à la prise de décision. Ils auront également droit à une quote-part du bénéfice de la société, généralement à hauteur du capital qu’ils détiennent.
Il est dans tous les cas très important de bien choisir de quel type d’investisseur a besoin la société.
En pratique une levée de fonds dure plusieurs mois (de 6 mois à un an généralement). Cela dépend de l’état d’avancement du projet et de la durée des négociations avec les investisseurs.
Cette opération se décompose en plusieurs étapes clés :
La préparation de l’opération
- L’executive summary: il s’agit d’un document de synthèse du projet (1 ou 2 pages), une sorte de teaser qui doit donner envie d’en savoir plus et de passer à l’étude du business plan
- Le business plan qui est le document de « pilotage » du projet (20aine de pages) permettant de rentrer plus en détail dans le projet et comprenant des éléments techniques (mais pas trop), concret, logique, clair et illustré (schémas…) sur l’entreprise, le marché, le business model, les plans d’actions…
- Le pitch desk qui est en quelque sorte l’illustration marketing du business plan, moins objectif et destiné à « donner envie » à l’occasion d’une présentation en direct
- L’audit interne du juridique ; il s’agit de vérifier les principaux contrats (statuts, partenaires, marques (V. L’importance de protéger sa marque), noms de domaines…).
La recherche des investisseurs et l’approche
- L’identification du profil de l’investisseur à rechercher et du montant à lever: cela consiste à prioriser les objectifs qui peuvent être financiers mais aussi en termes de compétence et de réseau. En effet, l’apport de « cash » ne doit pas être l’unique source de motivation. L’investisseur de type business angel par exemple, pourra apporter son réseau, ses compétences, son expérience dans un domaine déterminé.
- La recherche effective des investisseurs susceptibles d’être intéressés par le projet et l’envoi de dossiers de démarchage (executive summary)
Les négociations préalables et due diligences
- Un accord préalable de principe est trouvé avec l’investisseurs sur les contours de l’opération. Avant de signer une lettre d’intention (LOI), l’investisseur voudra procéder à des vérifications (due diligence).
- La signature d’un accord de confidentialité (non-disclosure agreement) afin de préserver la confidentialité des échanges et des informations qui seront fournies aux investisseurs.
- Les dues diligences ; cela consiste pour l’investisseur (lui-même ou par l’intermédiaire de conseils) à vérifier et évaluer les éléments financiers, juridiques, les produits, l’équipe … de la société pour éviter de « mauvaises surprises » une fois son investissement réalisé.
La lettre d’intention (term sheet)
- L’accord définitif sur les modalités juridiques et financières de l’opération
- La signature du term sheet.
La négociation du pacte d’actionnaires
- La négociation des termes du pacte d’associé : il conviendra de fixer les clauses importantes du pacte (sortie des investisseurs…)
- La rédaction du nouveau pacte d’actionnaire (V. Les principales clauses du pacte d’actionnaire)
La concrétisation de la levée de fonds
- La tenue d’une assemblée générale décidant du principe et des modalités de l’augmentation du capital négociée
- L’émission par la société des bulletins de souscription et la signature par l’investisseur des bulletins
- Le dépôt des fonds ; les investisseurs vont procéder au paiement des fonds sur un compte bancaire de la société.
- La signature du pacte d’actionnaire préalablement négocié
- La décision constatant la réalisation de l’opération. Le représentant légal constate la finalisation de l’opération.
- L’enregistrement des actes auprès du greffe du Tribunal de commerce afin de rendre l’opération officielle sur les documents d’identification (kbis)
LES RISQUES DE LA LEVÉE DE FONDS
Si la réalisation d’une levée de fonds revêt des avantages importants en phase d’amorçage de la société, elle n’est pas sans conséquences pour les associés fondateurs puisque les investisseurs, en devenant associés, pourront venir limiter et encadrer les droits des premiers.
La dilution de la participation des associés fondateurs
L’entrée au capital d’un investisseur conduit mécaniquement à diluer la participation des associés fondateurs en réduisant leurs droits financiers.
L’opération de levée de fonds n’est à cet égard peut-être pas la dernière. Il est important de bien négocier dès la première levée les conditions de l’entrée de ces nouveaux investisseurs.
En effet, ce sont les associés fondateurs qui portent le projet et consacreront leur temps et leur énergie à faire prospérer la société.
Il est donc normal qu’ils bénéficient d’une part très importante sur les bénéfices.
La fragilisation des droits politiques
Du point de vue des droits politiques, c’est-à-dire décisionnel, qui dépendent des statuts et de la part prise dans le capital par les nouveaux associés, les fondateurs pourraient voir leur pouvoir de décision fragilisé.
L’accord des nouveaux associés pourrait par exemple devenir nécessaire afin de prendre des décisions en assemblée générale.
De même, les investisseurs pourraient exiger un siège dans les organes de décision de la société ou encore détenir un droit de veto aux termes du pacte d’associé.
Ainsi, les nouveaux associés pourraient avoir un poids plus ou moins important sur les décisions stratégiques. Cela peut être particulièrement contraignants et sources de conflits pour les fondateurs qui ne seraient plus librement décisionnaires.
L’instabilité de l’actionnariat
Les start-ups sont des sociétés de capitaux avec un actionnariat ouvert. Ainsi, en multipliant le nombre d’associés, cela conduit à une certaine instabilité avec la sortie et entrée de nouveaux associés.
En fonction de la rédaction des statuts (et du pacte d’actionnaire), les fondateurs pourraient se trouver avec des associés non désirés.
De même, certains investisseurs tels que les fonds, ont des stratégies de sortie à court ou moyen terme ce qui, là encore, peut déstabiliser la société.
Les contraintes du pacte d’actionnaires
Lors de son entrée au capital, un investisseur de type fonds d’investissement ou business angels va négocier les clauses du pacte d’actionnaire en mettant à la charge des associés fondateurs des obligations particulières, et ce, afin de sécuriser son investissement.
Il est ainsi fréquent que soit imposée une obligation d’exclusivité du temps de travail des fondateurs au sein de la société par exemple, doublée d’une promesse de cession des titres en cas de non-respect de ladite clause, à une valeur déterminée à l’avance.
Il peut être également imposé aux fondateurs de racheter les titres des investisseurs à un prix déterminable à l’avance, après un certain délai ou événement. Cela peut se relever particulièrement dangereux puisqu’ils devraient alors trouver les liquidités pour ce rachat.
De même, il peut être prévu une inaliénabilité des titres des fondateurs pendant une période déterminée ayant pour effet de bloquer l’associé dans la société pendant cette période.
Les obligations imposées à l’associé, dont les exemples ci-avant ne sont pas exhaustifs, peuvent se révéler particulièrement contraignantes voire dangereuses et engagent sa responsabilité personnelle en cas de non-respect.
C’est la raison pour laquelle la négociation du pacte d’actionnaire s’avère en pratique très importante.
CINQ CONSEILS POUR RÉUSSIR SA LEVÉE DE FONDS
1. S’assurer de l’intérêt de lever des fonds
Lever des fonds ne doit pas apparaître comme une étape indispensable au développement d’une start-up.
Si le financement d’une société est primordial, il peut se faire autrement que par l’entrée d’investisseurs au capital.
L’intérêt d’une telle opération n’a de sens que si la société a un projet de croissance rapide et nécessite dès le départ des investissements importants (en R&D) avant d’être rentable. En revanche, certaines sociétés dégagent rapidement du chiffre d’affaires permettant d’autofinancer leur croissance. Dans ce dernier cas, lever des fonds présente un intérêt limité.
Il est important par ailleurs de vérifier la possibilité de recevoir des subventions publiques et aides territoriales ou encore la possibilité de bénéficier de prêts d’honneur.
Ce type de financement permet en effet de recevoir des financements sans entrée au capital de nouveaux associés.
Enfin, selon la même idée, il convient de définir le plus précisément possible le montant à lever.
Cela nécessite au préalable d’identifier les besoins de la société afin que la levée ne soit pas trop basse au risque de devoir rapidement réaliser un second tour de table qui impactera encore négativement les droits des fondateurs. De même, la crédibilité du « leveur de fonds » pourrait se voir fragilisée dans la mesure où il aurait mal calculé ses besoins.
Enfin, la levée de fonds n’ayant pas pour objet d’épargner les sommes perçues, le montant ne devra pas être trop élevé.
2. Bien préparer sa levée de fonds
Une levée de fonds ne doit jamais être réalisée dans l’urgence et doit être préparée plusieurs mois en amont.
Il est ainsi indispensable de se préparer à rencontrer ses futurs investisseurs (préparation aux pitchs). Il faut également avoir préparé une documentation de qualité (business plan, executive summary…).
Le fondateur doit encore connaître sa société afin de pouvoir répondre aux questions qui lui seront posées.
S’agissant du moment idéal pour démarcher de potentiels investisseurs, il est préférable que la société soit en phase de croissance et montre des signes de traction sur le marché visé. Ainsi, plus le projet sera mature, plus le porteur sera en mesure de convaincre un investisseur.
Mieux vaut ainsi prendre le temps de la préparation et ne pas se précipiter afin d’être en mesure de convaincre de potentiels investisseurs.
La préparation suppose également de cibler les investisseurs intéressants et utiles à la société. Il convient en effet de ne pas perdre de temps dans les négociations avec quelqu’un qui vous apporterait peu en quantité et en qualité d’investissement.
Il est également important de se renseigner sur l’investisseur potentiel en demandant ses références et le cas échéant en refusant son offre.
3. Donner envie d’investir sans exagérer
A l’occasion de la présentation de sa start-up, le fondateur devra trouver le juste milieu entre « donner envie » à l’interlocuteur d’investir dans la société sans toutefois « survendre » les perspectives futures en annonçant des objectifs déraisonnables.
La transparence est indispensable.
Des investisseurs de type business angels ou fonds sont expérimentés. Ils sont dès lors capables de savoir en quelques minutes si ce que vous leur présentez est réaliste.
Surtout, quand bien même vous auriez obtenu un accord de principe, rappelons encore que l’investisseur va procéder à des vérifications financières et juridiques plus poussées (due diligence) avant de concrétiser l’opération de telle sorte qu’il découvrira d’éventuels mensonges ou exagérations.
Il convient impérativement de ne pas commettre cet écueil.
L’opération n’aboutirait pas mais pire, cela pourrait compromettre les perspectives futures avec d’autre investisseurs.
Le porteur du projet doit convaincre le candidat en insistant sur la qualité de l’équipe et du projet. Il ne doit pas se fonder sur des prévisionnels très ou trop optimistes.
4. Trouver la bonne valorisation
Avant la réalisation de la levée de fonds, les associés fondateurs et les potentiels investisseurs vont s’accorder sur une valorisation en pré-money, qui est la valeur de la société avant entrée au capital.
Il est dès lors indispensable de valoriser correctement la société avant de la proposer à des investisseurs.
Il n’existe pas de méthode unique et fiable pour valoriser une start-up. La société n’ayant aucun antécédents financiers et comptables (ou presque), sa valeur va dépendra de critères souvent subjectifs et prospectifs tels que :
- La personnalité des porteurs du projet,
- Les caractéristiques du marché,
- Le potentiel du produit
- La cohérence globale du projet
La valorisation pré-money de votre société doit se faire au regard de la valorisation post-money qui correspond à la valeur de la société après la réalisation de la levée de fonds.
Exemples :
Les fondateurs ambitionnent de lever 500 k€ en contrepartie de 10 % du capital.
Après levée, en post-money, la société vaudra donc 500 k€ x 10 soit 5 M€
Ainsi, en pré-money, la valeur de l’entreprise est de 5M€ – 500k€ soit 4,5M€
Compte tenu du montant du capital généralement faible à la constitution, il est logique que l’investisseur paye les actions à un prix supérieur au prix de souscription des fondateurs.
Pour comprendre l’intérêt de bien valoriser sa société, il convient de rappeler que le montant de l’investissement se décompose en deux postes :
- Le prix de la valeur nominale de l’action c’est-à-dire le prix prévu dans les statuts
- La prime d’émission qui est la différence entre la valeur nominale de l’action et le prix de l’action payé par l’investisseur.
La société valorisée 4,5 M€ en pré-money est constituée de 1000 actions d’1 euro nominal.
Ainsi 10 % de la société soit 100 actions seront valorisées 4.500 € par actions.
Dans cette hypothèse, le prix de l’action sera de 1 euro et la prime d’émission de (4500€ -1€) 4.499€
Une bonne valorisation de sa société permet surtout de limiter la dilution du capital du fondateur.
Vous détenez 100 % des 1000 actions de votre société dont la valeur nominale est de 1 €/action.
Le capital social est donc de 1000 euros.
Vous prévoyez toujours de lever 500k€
Hypothèse 1Vous valorisez votre action à 2.000 € Le prix de l’action sera de 1 € ; la différence entre la valorisation fixée et la valeur nominale sera de 1.999 € ; il s’agit de la prime d’émission. Pour lever 500.000 euros, il va donc falloir créer 250 actions de 1 € de valeur nominale chacune + 1.999 € de prime d’émission chacune Votre société sera composée de 1.250 actions (1000 anciennes + 250 nouvelles) à la fin de la levée de fonds. Votre capital sera passé de 1000 euros à 1250 euros. Vous aurez alors 80 % du capital et donc perdu 20 % à l’occasion de la levée. |
Hypothèse 2Vous valorisez votre action à 4.500 € Le prix de l’action sera de 1 € et la différence entre la valorisation et la valeur nominale sera de 4.499 €. Il s’agit de la prime d’émission. Pour lever 500.000 euros, il va donc falloir créer 111 actions de 1 € de valeur nominale chacune + 110 € de prime d’émission chacune Votre société sera composée de 1111 actions (1000 anciennes + 111 nouvelles) à la fin de la levée de fonds. Votre capital sera passé de 1000 € à 1111 € Vous détiendrez alors 90 % de votre société et perdu seulement 10 %. |
S’il est important de bien valoriser la société dès la première levée pour éviter d’emblée de trop diluer sa participation, il ne faut cependant pas faire l’erreur de la survaloriser, ce, dans la perspective des prochains tours de table.
En effet, les valorisations proposées lors des prochaines levées ne devront pas être inférieures à la précédente. A défaut, il existe un risque de conflits avec les associés rentrés au tour précédent qui verraient leur investissement perdre de la valeur.
Cela serait également un signal négatif pour les futurs et potentiels investisseurs.
Surtout, il sera généralement prévu aux termes du pacte d’associé conclu lors de la précédente levée, des clauses d’ajustement, dites de « ratchet », destinées à protéger la valeur de l’investissement d’un associé rentré précédemment.
Ainsi, lorsque la valorisation du second tour est inférieure à la précédente, l’associé qui a payé son entrée au prix fort pourra souscrire pour un prix symbolique des actions supplémentaires afin de protéger la valeur de son investissement initial.
Quel que soit le type de clause de ratchet (clause de full ratchet ou weighted average ratchet) cela conduit mécaniquement un effet dilutif sur la participation du fondateur et à des conséquences négatives.
5. Ne – surtout – pas négliger le pacte d’actionnaires
La négociation de la valorisation ne doit pas occulter l’importance du pacte d’actionnaire dans la mesure où les fondateurs se concentrent trop souvent sur la valorisation.
Le pacte d’associés (ou d’actionnaires, ce qui revient au même) permet d’organiser les relations entre associés en complément des statuts et de manière confidentielle.
Si le contenu d’un tel acte peut varier, il va généralement régler des questions comme le pouvoir des investisseurs dans la société et les modalités de sortie du capital des associés.
A cet égard, certaines clauses, comme les clauses d’exclusivité, les clauses de bad leaver, les clauses de drag along, les clauses de ratchet peuvent être particulièrement contraignantes et dangereuses pour les associés fondateurs.
La négociation du pacte est donc primordiale et un investisseur pourrait au contraire voir d’un bon œil le fait que son futur associé négocie fermement les termes d’un accord.
La négociation d’un pacte équilibré permettra surtout une poursuite de l’activité dans des conditions plus sereines. En effet, le fondateur devra désormais concilier avec de nouveau associés qui auront leur mot à dire sur la gestion de leur investissement.
Il est ainsi indispensable de bien vérifier ou faire relire par un conseil les dispositions du pacte qui engage personnellement le patrimoine de l’associé fondateur en cas de violation.
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