La marque Louboutin a été déposée en 2010 pour la classe « chaussures » et depuis 2013 dans la classe « chaussures à talons hauts ». Celle-ci vise à protéger comme marque la couleur rouge  appliquée sur la semelle d’une chaussure.

A la suite d’une action en contrefaçon de la maison Louboutin, la question a été posée au Tribunaux de la validité de la marque déposée.

CJUE 12-6-2018 aff. 163/16, Louboutin c/ Van Haren Schoenen BV

I. LES FAITS

La société propriétaire de la marque LOUBOUTIN, du nom du célèbre styliste Christian Louboutin, poursuit une société de droit hollandais en contrefaçon de sa marque représentée par la couleur rouge appliquée sur la semelle de ses chaussures à talon.

La société de droit hollandais attaque à son tour LOUBOUTIN en sollicitant la nullité de la marque en invoquant le refus ou nullité des signes constitués exclusivement par la forme donnant une valeur substantielle à un produit.

 

II. LA PROCEDURE

Le Tribunal hollandais saisi de l’action en contrefaçon interroge la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) par le biais d’une question préjudicielle.

La question est de savoir si la notion de « forme » d’un signe (l’article 3, paragraphe 1, sous e), III, de la directive 2008/95/CE) doit englober également la couleur déterminée et donc si elle est susceptible d’être annulée.

Autrement dit, la marque LOUBOUTIN constituée par la couleur rouge de la semelle d’une chaussure relève-t-elle de l’interdiction d’enregistrement des signes constitués exclusivement par la forme donnant une valeur substantielle au produit ?

La CJUE répond par la négative en jugeant notamment qu’il ne peut pas être considéré qu’un signe est constitué par cette forme lorsque ce n’est pas celle-ci que l’enregistrement de la marque vise à protéger, mais seulement l’application d’une couleur à un emplacement spécifique dudit produit.

 

III. LA SOLUTION

Rappelons que conformément à l’article 2 de la directive CE 2008/95 du 22-10-2008,  peuvent constituer une marque, les signes susceptibles de représentation graphique à condition que ces signes soient propres à distinguer les produits ou services d’une entreprise de ses concurrents.

La marque Louboutin a été déposée en 2010 au Benelux pour la classe « chaussures » et depuis 2013 dans la classe « chaussures à talons hauts ». Ladite marque est décrite comme consistant « en la couleur rouge (Pantone 18‑1663TP) appliquée sur la semelle d’une chaussure telle que représentée (le contour de la chaussure ne fait pas partie de la marque mais a pour but de mettre en évidence l’emplacement de la marque ».

Or, l’article 3, paragraphe 1, e), iii), de la directive du 22 octobre 2008 qui rapproche les législations des États membres en matière de marque, prévoit notamment comme motifs de nullité ou de refus à l’enregistrement, les signes constitués exclusivement par la forme qui donne une valeur substantielle au produit.

Mais cette directive du 22 octobre 2008 ne définit pas ce qu’est une forme.

La CJUE donne ainsi une définition générale de la notion de « forme » qui s’entend selon elle comme « désignant un ensemble de lignes ou de contours qui délimite le produit concerné dans l’espace ».

Elle ajoute qu’« il ne ressort ni de la directive 2008/95 , ni de la jurisprudence de la Cour, ni du sens usuel de ce terme qu’une couleur en elle-même, sans délimitation dans l’espace, pourrait constituer une forme ».

Ainsi, pour la CJUE, si « la forme du produit ou d’une partie du produit joue un rôle dans la délimitation de la couleur dans l’espace, il ne saurait toutefois être considéré qu’un signe est constitué par cette forme lorsque ce n’est pas celle-ci que l’enregistrement de la marque vise à protéger, mais seulement l’application d’une couleur à un emplacement spécifique dudit produit »

La Cour relève également que comme « l’ont relevé les gouvernements allemand, français et du Royaume-Uni, ainsi que la Commission, la marque litigieuse ne porte pas sur une forme spécifique de semelle de chaussures à talons hauts, la description de cette marque indiquant expressément que le contour de la chaussure ne fait pas partie de ladite marque, mais sert uniquement à mettre en évidence l’emplacement de la couleur rouge visée par l’enregistrement ».

Ainsi, elle conclue qu’« un signe, tel que celui en cause au principal, ne saurait être considéré comme étant constitué « exclusivement » par la forme, lorsque, comme en l’occurrence, l’objet principal de ce signe est une couleur précisée au moyen d’un code d’identification internationalement reconnu ».

La Cour ne suit ainsi pas les conclusions de l’avocat général qui se son côté estimait que  « L’article 3, paragraphe 1[…] doit être interprété en ce sens qu’il est susceptible de s’appliquer à un signe constitué par la forme du produit et qui revendique la protection pour une couleur déterminée. La notion d’une « forme qui donne une valeur substantielle » au produit, au sens de cette disposition, concerne exclusivement la valeur intrinsèque de la forme et ne permet pas de tenir compte de la réputation de la marque ou de son titulaire ».

La présente affaire n’est pas terminée puisque la juridiction de renvoi devra vérifier que l’enregistrement du signe ne restreint pas indûment la disponibilité des caractéristiques représentées par ce signe pour les autres opérateurs qui offrent des produits ou services similaires.

Les contestations nourries portant sur la marque Louboutin sont d’autant loin d’être finies que la directive du 22 octobre 2008 a été refondue par une directive du 16 décembre 2015.

L’article 3 litigieux précédemment évoqué est repris à l’article 4 de la nouvelle directive et vise désormais les signes constitués exclusivement « par la forme ou une autre caractéristique qui donne une valeur substantielle au produit ».

L’adjonction de la référence à « une autre caractéristique » pourrait être interprétée comme élargissant les possibilités de nullités ou refus d’enregistrement/

Cette directive doit être transposée dans notre législation interne d’ici le 14 janvier 2019.

Ces nouvelles dispositions devraient venir alimenter le débat mais il reviendra de nouveau à la CJUE de résoudre ces difficultés d’interprétation.

A suivre….

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