Les modalités d’adoption des décisions collectives en société sont organisées par les statuts et la loi. Certaines décisions sont prises à une majorité simple et d’autres à une majorité renforcée.

Ainsi, un seul associé ou plusieurs, majoritaires, peuvent prendre des décisions contre l’avis de minoritaires. D’autres fois, un seul associé peut empêcher l’adoption de décisions voulues par le(s) majoritaire(s) grâce à une minorité de « blocage ». Il s’agit du jeu classique de la démocratie « sociétaire ».

Cependant, ni l’associé majoritaire, ni le minoritaire, ne doivent abuser de leur droit de vote.

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L’ABUS DE MAJORITÉ

Définition

L’abus de majorité est constitué lorsque un ou plusieurs associé(s) majoritaire(s) adopte(nt) une décision :

  • Contraire à l’intérêt social ;
  • Dans le but de favoriser les associés majoritaires au détriment des associés minoritaires.

Ces deux conditions sont cumulatives.

L’action, généralement intentée par un ou plusieurs associés minoritaire(s) vise à obtenir l’annulation de la décision. Toutefois, il est admis que la nullité puisse être poursuivie par un associé qui a voté la délibération contestée. (Cass. 3e civ. 19-7-2000 n° 98-17.258  ; Cass. com. 13-11-2003 n° 00-20.646)

L’action en nullité peut aussi être engagée par le dirigeant, au nom de la société. (Cass. com. 21-1-1997 n° 94-18.883) Enfin, l’action peut également tendre à l’allocation de dommages-intérêts si un préjudice a été causé au(x) minoritaire(s).

L’action en nullité doit être intentée dans le délai de 3 ans. (Voir sur ce point notre article).

Illustrations

Rémunération du dirigeant 
Abus de majorité. Augmentation de la rémunération des dirigeants alors que le résultat comptable est en baisse ou faible bénéfices. (Cass. Com. 15-1-2020 n° 18-11.580) Voir sur ce point notre article. Ou encore (Cass. Com. 20-2-2019 no 17-12.050)
Abus de majorité. Octroi d’une prime importante au dirigeant alors que les bénéfices avaient été, pendant plusieurs années, mis en réserve (Cass. Com. 1-7-2003 no 99-19.328)
Pas d’abus de majorité. Augmentation de la rémunération alors que la baisse du résultat s’explique par des investissements importants (Cass. Com. 3-6-2003 no 912)
Pas d’abus de majorité. Augmentation importante de la rémunération du dirigeant lorsqu’elle est cohérent avec la progression du chiffre d’affaires. (CA Paris 6-12-2007 n° 06-20667 )
Pas d’abus de majorité. Fixation de sa rémunération par le gérant majoritaire dès lors qu’il n’est pas démontré que la décision est contraire à l’intérêt social ou prise dans le seul intérêt de celui-ci (Cass. Com. 4-10-2011 n° 10-23.398)
Pas d’abus de majorité. Rémunération rétroactive du dirigeant n’assumant aucune fonction opérationnelle mais justifiée par la responsabilité civile et pénale au titre de ses fonctions. (Cass. Com. 4-11-2014 n° 13-24.889)
Mise en réserve des bénéfices
Abus de majorité. Mises en réserves importantes pendant pendant 20 ans.(Cass. Com., 22 avr. 1976, no 75-10.735)
Abus de majorité. Mise en réserve malgré un contexte économique difficile alors que le dirigeant augmente sa rémunération. (Cass. Com. 20-2-2019 n° 17-12.050)
Pas d’abus de majorité. Mise en réserve de la totalité du bénéfice pendant huit années consécutives relevant d’une politique de prudence et permettant une augmentation de la valeur des actions bénéficiant aussi à l’associé minoritaire.  (Cass. com., 22 janv. 1991, no 89-15.725)
 Pas d’abus de majorité. Mise en réserve des bénéfices qui s’accompagne de la réalisation d’investissement importants. (Cass. com., 3 juin 2003, no 00-14.386)
Abus de majorité. Mise en réserve de ma totalité des bénéfices depuis la création de la société sans aucun investissement pendant que les associés majoritaires bénéficie de rémunérations importantes et augmentant rapidement. (Cass. com., 6 juin 1990, n° 88-19.420)
Pas d’abus de majorité. Rémunérations du dirigeant supérieures au montant du bénéfice, alors qu’une grande partie des bénéfices est mis en réserve mais répondant à une politique de prudence. (Cass. com. 17-3-2009 n° 08-11.268)
Cession d’actifs
Abus de majorité. Cession par les associés majoritaire de l’actif immobilier à une nouvelle société créée par eux, à un prix inférieur à leur valeur réelle. (Cass. com. 24-5-2016 n° 14-28.121)
Pas d’abus de majorité. Décision de cession de la totalité des actifs sociaux justifiée par le besoin de renflouer la trésorerie et  dissoudre la société. (Cass. com., 28 avr. 2004, no 00-12.827)
Pas d’abus de majorité. Décision de cession d’un contrat de distribution  au franc symbolique et vente de stock de produits de ce contrat afin d’éviter la liquidation judiciaire et permettant un reclassement du personnel. (Cass. com., 26 avr. 1994, no 92-19.953)
Création de dettes
Abus de majorité. Acquisition  d’une partie d’un immeuble par la société mais intégralement financé par elle alors que dans le même temps les associés majoritaires et leur famille, possèdent l’autre partie. (Cass. com., 10 avr. 2019, no 17-14.790)
Abus de majorité. Paiement du passif d’une filiale permettant à son gérant associé majoritaire d’éviter une action en responsabilité. (Cass. com., 29 mai 1972, no 71-11.739)
Opération sur le capital
Pas d’abus de majorité. Augmentation de capital réservée à certains salariés de l’entreprise et réalisée sans prime d’émission entraînant diminuant légèrement la valeur des droits de l’ensemble des associés. (CA Paris 15-10-1986)
Pas d’abus de majorité. Augmentation de capital réalisée en grande partie par l’incorporation de comptes courants des majoritaires diluant la participation des minoritaires mais permettant de prendre en charge du passif de la société (CA Paris 3-2-2011 n° 10/01051)
Pas d’abus de majorité. Réduction du capital à zéro suivie d’une augmentation de capital permettant d’éviter une cessation des paiement et de rétablir ses capitaux propres (Cass. com. 7-6-2016 n° 14-24.913)
Dissolution de la société
Abus de majorité. Dissolution anticipée sans motif sérieux empêchant l’exécution d’une promesse de rachat des titres consenti par le majoritaire au minoritaire (Cass. com. 8-2-2011 n° 10-11.788)
Pas d’abus de majorité. Dissolution anticipée à la suite de la perte d’un client très important et mésentente entre les associés (Cass. com. 7-3-2018 n° 16-10.727)

L’ABUS DE MINORITÉ

Définition

L’abus de minorité est constitué par l’abstention ou refus d’un associé minoritaire, ou égalitaire, de voter favorablement une résolution importante pour la société. Ce faisant, l’associé empêche, par sa minorité de blocage, l’adoption de la décision.

Ce refus ou cette abstention doit :

  • Etre contraire à l’intérêt social ;
  • Avoir pour but de favoriser les intérêts du minoritaire au détriment des autres

A la différence de l’abus de majorité, un associé ne peut pas se rendre coupable, seul, de l’abus de minorité si celui-ci ne dispose pas de minorité de blocage.

Dès lors, si le blocage résulte du refus de plusieurs associé, l’abus n’est pas caractérisé sauf en cas de collusion frauduleuse.

En cas, d’abus de minorité, le juge doit désigner un mandataire tenu de voter en lieu et place de l’associé minoritaire.  (Cass. com. 9-3-1993 n° 91-14.695)

Le juge ne peut cependant pas adopter la décision rejetée (Cass. com. 31-3-2009 n° 08-11.860). Il ne peut davantage ordonner au mandataire désigné le sens du vote. (Cass. 3e civ. 16-12-2009 n° 09-10.209 ; Cass. com. 4-2-2014 n° 12-29.348)

Illustrations

Augmentation de capital
Abus de minorité. Opposition à une augmentation de capital de 7500 euros nécessaire à la survie de la société. (Cass. com., 9 mars 1993, no 91-14.685)
Abus de minorité. Opposition à une augmentation de capital indispensable à la survie et dans le but de compromettre la société pour des raisons personnelles et favoriser ses intérêts dans une autre société. (Cass. com. 5-5-1998 n° 96-15383)
Abus de minorité. Opposition à une augmentation de capital nécessaire à la survie de la société et contraignant les majoritaires à prendre seuls en charge les risques. (Cass. com. 18-6-2002 n° 98-21.967)
Abus de minorité. Refus de vote de la mise en réserve des bénéfices par un associé égalitaire égalitaire pendant 4 exercices consécutifs, alors que la société a besoin de financer des investissements et son fonds de roulement.(Cass. com., 16 juin 1998, no 96-13.997)
Pas d’abus de minorité. Opposition à une augmentation de capital afin de ramener les capitaux propres à la moitié du capital social alors que l’associé minoritaire n’avait pas reçu les information lui permettant de se prononcer en tout connaissance de cause sur l’opération. (Cass. com. 20-3-2007 n° 05-19.225)
Pas d’abus de minorité. Opposition à l’augmentation de capital dans la mesure où la survie de la société n’est pas menacée et que d’autres alternatives existaient pour renflouer la trésorerie. (Cass. 3e civ. 5-7-2018 n° 17-19.975)
Autres modifications
Abus de minorité. Opposition au changement d’objet social qui était nécessaire à la survie de la société. (Cass. com. 19-3-2013 n° 12-16.910)
Abus de minorité. Opposition de l’associé égalitaire de voter le versement d’un loyer en contrepartie de son occupation de l’immeuble détenu par la société. (Cass. 3e civ., 16 déc. 2009, no 09-10.209)
Pas d’abus de minorité. Opposition à l’augmentation de la rémunération du dirigeant associé. (Cass. com. 31-3-2009 n° 08-11.860)
Abus de minorité. Refus de distribuer les dividendes de l’associé égalitaire à son associé avec lequel il est en instance de divorce alors que les résultats de la société sont très bons. (CA Aix, 27 févr. 2014, no 13/06189,

NOS CONSEILS EN CAS D’EXERCICE ABUSIF DU DROIT DE VOTE

En cas d’abus du droit de vote, de la majorité ou de la minorité, il est conseillé de faire appel à un avocat en droit des sociétés. Seul ce dernier sera à même de vous conseiller utilement sur vos droits.

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