Le Code de commerce offre des outils afin d’éviter ou remédier aux défaillances de l’entreprise.  Il s’agit d’intervenir en amont, dans un cadre amiable ou alors à défaut d’accord, d’imposer des mesures à ses créanciers.

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LES OUTILS DE NÉGOCIATION AMIABLE : MANDAT AD HOC ET CONCILIATION

Quels sont les points communs entre le mandat ad hoc et la conciliation ?

Le mandat ad hoc et la conciliation offrent un cadre juridique de négociation à l’entreprise avec ses principaux créanciers en vue de trouver des solutions (délais de paiements, remises, financements…)  avant toute défaillance.  Il s’agit dès lors de mesures préventives destinées à éviter l’ouverture de procédures collectives telles que la sauvegarde ou redressement judiciaire.

Ces outils, amiables et confidentiels, sont particulièrement adaptés lorsque l’entreprise connaît des difficultés conjoncturelles.

Amiables. Le mandataire ad hoc ou conciliateur désigné n’a pas de pouvoir pour contraindre les parties à participer aux négociations et à signer un accord. C’est en cela sa faiblesse. Aussi, l’entreprise est libre de rester ou non dans le cadre de ces procédure et peut y mettre fin à tout moment.

Confidentiels. Le Président du Tribunal désigne le mandataire ou conciliateur par une ordonnance non soumise à publication. Egalement, parce que l’ensemble des parties à la négociation sont soumises à une obligation de confidentialité qui est sanctionnée en cas de violation. Surtout, le chef d’entreprise choisit quels créanciers il souhaite attraire à la table des négociations.

Qui peut solliciter l’ouverture de ces mesures ?

Aussi bien pour le mandat ad hoc que la conciliation, c’est le chef d’entreprise qui est à l’initiative de cette démarche. Il doit pour cela saisir le Président du Tribunal compétent.  Si l’entreprise (société ou entreprise individuelle) est un commerçant ou artisan, il convient de s’adresser au Président du Tribunal de commerce. Pour toutes les autres entreprises ou associations, le Président du Tribunal Judiciaire sera compétent.

Toutefois, la procédure de conciliation prévue par le Code de commerce ne concerne pas les entreprises agricoles. En effet, celles-ci bénéficient d’une procédure analogue spéciale appelée «règlement amiable agricole». Ce dispositif, qui leur est propre, est prévu à l’article L351-1 et suivants du  Code rural et de la pêche maritime.

Une fois la demande d’ouverture déposée, le Juge convoque le chef d’entreprise afin de s’entretenir avec lui. A l’issue, le Président du Tribunal rend une décisions (ordonnance) aux termes de laquelle il désigne le conciliateur ou mandataire. En pratique, ce dernier est généralement choisi sur la liste des administrateurs judiciaires. Cependant il est également possible de proposer le professionnel que l’on souhaite voir désigner.

Dans le contexte sanitaire actuel, l’ordonnance a simplifié les conditions d’ouverture en incitant le débiteur à ne pas comparaître en audience. Il est dès lors possible de saisir le Tribunal « par tous moyens » et notamment de manière dématérialisée devant les Tribunaux de commerce via leur plateforme tribunaldigital.fr. Les échanges entre le chef d’entreprise ou son avocat et la juridiction se feront alors à distance.

Le mandat ad hoc

La souplesse du mandat ad hoc

La seule véritable condition pour bénéficier d’un mandat ad hoc est de ne pas se trouver en état de cessation des paiements.

Pour le reste, il s’agit d’une mesure très souple car peu encadrée par la loi. En effet, la durée du mandat ad hoc n’est pas limitée dans le temps à la différence de la conciliation qui ne peut pas excéder 5 mois.

La mission du mandataire ad hoc est fixée par l’ordonnance le désignant. De manière générale, sa mission est d’assister le chef d’entreprise dans la négociation avec ses principaux partenaires et créanciers.

L’accord éventuellement trouvé sera purement contractuel entre les parties et ne s’imposera qu’aux signataires. A défaut d’accord, la procédure de mandat ad hoc prend fin et il faut alors se tourner vers la conciliation, la procédure de sauvegarde voire le redressement.

Le formalisme de la demande de désignation du mandataire ad hoc

Le Code de commerce exige simplement que la demande soit adressée par écrit au Président du Tribunal compétent. Le chef d’entreprise doit motiver cette demande (Art. R611-18 C.com).

Le Juge sollicitera le cas échéant des éclaircissements et pièces complémentaires. C’est la raison pour laquelle il est conseillé de joindre à sa demande les pièces justificatives prévues pour la conciliation. (Article R611-22 .Com 1° à 3°)

La conciliation

L’ouverture de la procédure de conciliation

La procédure de conciliation est plus encadrée que le mandat ad hoc. Elle est instituée par l’article L614-4 du Code de commerce.

Afin de solliciter son ouverture, le chef d’entreprise doit éprouver des difficultés juridiques, économiques ou financières, actuelles ou prévisibles.

En ce qui concerne sa durée, elle d’au maximum 5 mois (4 mois + prolongation 1 mois supplémentaire).

Surtout, à la différence du mandat ad hoc, la conciliation est compatible avec un état de cessation des paiements de l’entreprise. Il faut cependant que cet état de cessation des paiements soit inférieur à 45 jours. A défaut, seul un redressement judiciaire est envisageable.

Le formalisme de la demande de désignation d’un conciliateur

Cette demande doit être rédigée par écrit, sous la forme d’une requête, adressée au Président du Tribunal compétent. Cette demande doit être motivée puisque le chef d’entreprise doit exposer sa « situation économique, financière, sociale et patrimoniale, ses besoins de financement ainsi que, le cas échéant, les moyens d’y faire face » (Art. L611-6 C.com).

Cette demande doit être accompagnée de pièces justificatives listées à l’article R611-22 du Code de commerce.

=> Modèle de requête aux fins de conciliation 

Le conciliateur désigné aura pour mission de parvenir à un accord afin de mettre un terme aux difficultés. Celui-ci pourra également avoir pour mission de préparer une cession (totale ou partielle) de l’entreprise ou encore de la restructurer.

L’accord éventuellement trouvé sera soit constaté soit homologué par le Juge.

L’accord constaté

L’accord constaté par le Juge lui confère force exécutoire mais uniquement en ce qui concerne les parties à l’accord. Ainsi, les créanciers partie à l’accord ne pourront pas poursuivre l’entreprise pour les dettes qui y sont incluses.

Cette accord restera strictement confidentiel. Cependant, les autres parties, non signataires, pourront toujours poursuivre l’entreprise en paiement.

L’accord homologué

L’accord homologué devient exécutoire contre toutes les parties signataires, à l’instar de l’accord constaté. Il produit cependant des effets supplémentaires :

  • Il met fin à l’interdiction d’émettre des chèque s’il en existe (Art. L611-10 C.com) ;
  • Le créancier signataire, qui aurait apporté des biens, services ou financements pendant cette période bénéficie d’un privilège de « new money » (Art. L611-11 C.com). Ainsi, en cas d’ouverture ultérieure d’une procédure collective, ce créancier sera payé en priorité.

Pour prétendre à l’homologation, il faut cependant répondre à trois conditions :

  • L’entreprise ne doit pas être en état de cessation des paiements ou l’accord y met fin ;
  • L’accord doit permettre d’assurer la pérennité de l’entreprise ;
  • Cet accord ne doit pas léser les créanciers non-signataires.

A la différence de l’accord constaté, l’accord homologué fait l’objet d’une publicité au BODACC et perd donc sa confidentialité. Cependant, seule l’existence d’un accord est publique mais non son contenu, qui reste secret.

Foire aux questions
Quel est le coût d’un mandat ad hoc ou conciliation ? Ces coûts sont librement négociés avec le mandataire désigné et contrôlés par le Président du Tribunal.
Peut-on changer de mandataire ou conciliateur en cours de procédure ? Oui, à tout moment en le demandant au Président du Tribunal.
Qui accepte ou refuse les accords négociés ? Le chef d’entreprise reste maître de la décision finale. Le mandataire ou conciliateur accompagne les négociations mais ne décide jamais à la place du dirigeant.
L’accord éventuellement signé bénéficie-t-il à la caution ? Oui uniquement dans le cadre de la conciliation et de l’accord constaté ou homologué.

En cas d’échec de ces procédures amiables, le chef d’entreprise peut demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde voire de redressement judiciaire.

LES OUTILS DE TRAITEMENT JUDICIAIRE DES DIFFICULTÉS : LA SAUVEGARDE OU LE REDRESSEMENT

La sauvegarde

Ouverture de la procédure de sauvegarde

La procédure de sauvegarde se situe entre le mandat ad hod/conciliation et la procédure de redressement.

Pour y être éligible,  l’entreprise doit connaitre des difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter (Art. L620-1 C.com). Surtout, elle ne doit pas être en état de cessation des paiements depuis plus de 45 jours. A défaut, seul un redressement judiciaire sera envisageable.

Son ouverture intervient à la demande du chef d’entreprise, exclusivement. L’objectif est là encore d’anticiper la défaillance.

Cependant, à la différence des mesures de mandat ad hoc et de conciliation, elle offre un cadre contraignant pour l’ensemble des créanciers. En effet, son ouverture entraîne deux effets principaux :

  • Elle interdit les poursuites des créanciers au titre du passif exigible au jour de l’ouverture;
  • Elle gèle le passif exigible au jour de l’ouverture.

Les créanciers antérieurs doivent alors procéder à la déclaration de leur créance. Cette déclaration doit intervenir dans les deux mois de la publication au BODACC. Ainsi, à la différence des procédures préventives, la sauvegarde est publique.

Aussi, la nature de cette procédure a pour corollaire une perte d’autonomie du chef d’entreprise. Ce dernier va rester « aux commandes » de son entreprise. Cependant, certaines décisions, en fonction de leur nature, seront encadrées d’autres organes (juge commissaire, Tribunalmandataire judiciaire et le cas échéant administrateur judiciaire).

Issue de la procédure de sauvegarde

La procédure débute par une période dite « d’observation » d’une durée de 6 mois. Elle est renouvelable une fois pour 6 nouveaux mois. A titre exceptionnel, sur demande du Ministère public, la durée peut être portée à 18 mois maximum.

Pendant cette période, le chef d’entreprise doit assurer la continuité de la gestion et de l’exploitation de l’entreprise. A ce titre, il doit impérativement payer le passif exigible depuis l’ouverture de la procédure. A défaut, cela traduira l’apparition d’un état de cessation des paiements et entraînera l’ouverture d’un redressement voire d’une liquidation judiciaire.

Cette période d’observation doit permettre à son issue de présenter un plan de sauvegarde d’une durée de 10 ans maximum. Le délai est allongé à 15 ans pour les entreprises agricoles. L’objet du plan est d’apurer le passif. Cela peut notamment passer par une cession partielle de l’entreprise.

En cas d’homologation par le Tribunal, ce plan sera opposable à tous les créanciers, sans exception. L’entreprise devra dès lors respecter strictement les modalités de paiement des pactes (généralement annuels).

En cas de non-respect du plan ou d’absence d’homologation, la procédure se transformera en redressement ou en liquidation judiciaire.

Le redressement judiciaire

Ouverture de la procédure de redressement judiciaire

La procédure de redressement judiciaire est ouverte en cas de cessation des paiements. En pratique, cela signifie que l’entreprise n’est pas en mesure de payer les dettes exigibles avec son actif disponible.

L’ouverture de la procédure est sollicitée par le chef d’entreprise (V. Sur ce point Les sanctions en cas d’absence volontaire de déclaration de cessation des paiements) ou à la demande d’un créanciersur assignation.

En raison de la situation actuelle, l’ordonnance du 27 mars 2020 est venue préciser que « l’état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020 ». Cette appréciation s’appliquera jusqu’à 3 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Par conséquent, cela signifie si l’état de cessation des paiements n’était pas apparu depuis plus de 45 jours à la date du 12 mars 2020, l’entreprise peut toujours bénéficier d’une procédure de sauvegarde voire d’une conciliation. Il en est de même si l’état de cessation des paiements apparaît entre le 12 mars 2020 et 3 mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.

La procédure de redressement n’a de sens que si la situation de l’entreprise permet encore un redressement.

A l’instar de la procédure de sauvegarde, elle a deux effets principaux :

  • Elle interdit les poursuites des créanciers au titre du passif exigible au jour de son ouverture ;
  • Elle gèle le paiement du passif exigible au jour de l’ouverture.

Comme en sauvegarde, le dirigeant reste « aux commandes » de son entreprise mais voit certains de ses pouvoirs encadrés par d’autres organes (juge commissaire, Tribunalmandataire judiciaire et le cas échéant administrateur judiciaire).

Issue du redressement judiciaire

Le redressement débute par une période d’observation de 6 mois renouvelable une fois pour la même durée. Exceptionnellement, elle peut être portée à 18 mois à la demande du Ministère Public. Durant cette période, l’entreprise doit continuer à fonctionner normalement. Les dettes exigibles depuis l’ouverture de la procédure doivent être payées immédiatement.

A l’issue de la période d’observation, l’entreprise devra proposer un plan de continuation. Ce plan doit permettre un apurement du passif sur 10 ans maximum, allongé à 15 ans pour les entreprises agricoles. De manière subsidiaire, il peut également être proposé un plan de cession, totale ou partielle, de l’entreprise en vue d’apurer tout ou partie du passif.

Si aucune de ces deux solutions n’est retenue, la procédure basculera en liquidation judiciaire.

Foire aux questions
Une procédure de sauvegarde ou redressement est-elle payante ? La demande d’ouverture ne vous coûtera rien sauf les honoraires éventuels de votre avocat. Ensuite, en cours de procédure, le mandataire judiciaire désigné percevra des honoraires dont le montant est fixés par le Code de commerce.
En sauvegarde ou redressement, suis-je toujours à la tête de mon entreprise ? Oui, plus que jamais. Vous pouvez le cas échéant être assisté d’un administrateur judiciaire. Cependant, de manière générale vous ne pourrez  librement prendre seul les décisions importantes (cessions d’actifs, signature de transactions…). Il vous faudra l’accord pour cela du juge-commissaire.
En ma qualité de dirigeant, aurais-je toujours droit à une rémunération ? Oui vous percevrez votre rémunération. Celle-ci doit cependant être en adéquation avec la situation de votre entreprise.
Quel est le risque si je ne déclare pas la cessation des paiements de mon entreprise ? Vous encourez des risques de sanctions civiles (paiement personnel du passif) et  pénales (interdiction de gérer, banqueroute…). Voir sur ce point notre article sur La responsabilité du dirigeant ou encore Les sanctions du chef d’entreprise en cas d’absence volontaire de dépôt de bilan

NOS CONSEILS

Les procédures préventives et collectives ci-avant ne sont pas des outils de sanctions. Elles sont destinées à assurer la survie de l’entreprise. Dès lors, si votre entreprise connaît des difficultés actuelles ou prévisibles, il est important d’agir dès à présent.

Pour cela, faites appel à un avocat spécialisé afin de vous accompagner dans ce processus.

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